Select your language

  • facebook logo
  • linkedin logo
  • twitter logo

Filip Verhaeghe d’(UN)MANNED a développé SOL, un langage informatique pour les avions autonomes.

Un entretien sur la vision par ordinateur, les systèmes auto-apprenants, la mobilité aérienne urbaine (UAM) et la disparition des co-pilotes.

Licencié en sciences informatiques, Filip Verhaege a acquis une grande expérience dans le secteur de l’aérospatiale, notamment auprès de l’Agence spatiale européenne et chez Airbus. Depuis quelques années, il gère sa propre entreprise (UN)MANNED établie à Bruges. Pleinement engagé dans la technologie dédiée aux aéronefs avec ou sans pilotes, il a développé un propre langage informatique : Safety Of Life Scripting Language (SOL). 

A Bruges, vous vous consacrez aux technologies des avions autonomes. Un système permettant à un avion d’atterrir de manière autonome existe déjà, non ?   

Le système d’atterrissage automatique classique ne fonctionne de manière autonome que si un système d’atterrissage aux instruments (ILS) est installé. Un ILS coûte plusieurs dizaines de millions par aéroport. Une autre manière d’atterrir est l’utilisation d’un GPS. En cas de défaillance, il faut prévoir une troisième option, ce qui nous mène à notre fameux Image-Based Landing System (IMBALS). 

Pourquoi une troisième option? 

Si le Covid-19 génère de l’incertitude, l’idée sous-jacente est que le nombre d’avions de ligne va augmenter de manière constante dans l’avenir. Par contre, ce ne sera pas le cas des pilotes, et l’évolution logique entraînera la disparition des co-pilotes. Si l’unique pilote fait par exemple une crise cardiaque, il faut prévoir une alternative, en particulier dans les aéroports où un atterrissage ILS n’est pas possible. Tout cela exige des expérimentations durant une demi-décennie avant la mise en service : repérer les aéroports, identifier les pistes d’atterrissage, le centrage sur les pistes, réaliser des atterrissages sur certaines lignes et finalement le déploiement.

L’IMBALS fonctionne-t-il avec des caméras montées sous le fuselage de l’avion?  

Une seule caméra suffit. L’angle et l’endroit sont essentiels, la résolution est extrêmement importante. Finalement, cette caméra fait la même chose qu’un être humain. Quand vous prenez l’avion, des cartes d’aéroport sont à votre disposition. Un aéroport est conçu pour un être humain, avec des lignes noires et des lumières la nuit. Autant d’éléments qu’un ordinateur est capable d’identifier. 

La technologie IA joue-t-elle un rôle ? 

Pas vraiment. La vision par ordinateur existait bien avant que l’apprentissage profond ne devienne à la mode. A partir de calculs, on peut détecter un mouvement, segmenter des images, identifier des formes, etc. En revanche, la plupart des systèmes fonctionnant avec des caméras travaillent avec des réseaux neuronaux. Ce sont des systèmes que l’on peut entraîner et programmer via un réseau de neurones. Ce que nous faisons, c’est aussi de l’intelligence artificielle, mais alors classique. Nous nous focalisons sur des algorithmes corrects et démontrables. Au sein de DO-178C (la norme de certification utilisée par l’AESA et la FAA américaine pour les logiciels aéronautiques), il faut atteindre le plus haut niveau de sécurité. Il faut pouvoir prouver qu’un ordinateur, dans une situation similaire, réagira de la même manière. C’est très difficile à démontrer avec un réseau neuronal. Un ordinateur entraîné (auto-apprenant) peut par exemple se trouver face à un cas limite et se comporter bizarrement. Il perçoit trois oies et pense qu’il s’agit un avion, il fait un écart et percute un autre avion, alors qu’il aurait pu survoler les oies. Nous, nous nous focalisons sur des méthodes mathématiquement démontrables.

N’allez-vous pas contrarier les pilotes avec les avions autonomes?

Pour les pilotes, ce ne sera pas vraiment une menace à court terme, et à long terme, on ne voyagera que pour le plaisir. Cela vaut également pour les voitures. Voyez l’analogie avec un jeu d’échecs sur ordinateur. L’ordinateur n’est pas pratiquement aussi bon que l’homme, il doit être le meilleur du monde et vous pourrez en fabriquer 1.000 pièces. Ces 1.000 ordinateurs seront tous capables de battre un jour Kasparov. Si on conçoit un système de mobilité aérienne, c’est finalement pour faire mieux. Un ordinateur a un temps de réponse de quelques millisecondes et il peut traiter très rapidement d’énormes quantités de données. Certes, l’ordinateur est très restreint dans son domaine, mais voler est un domaine restreint, tout comme les échecs.

Deux accidents impliquant le Boeing 737 MAX n’ont pas fait de la bonne publicité pour les avions autonomes.

Avec le MAX, c’était un problème d’argent et de ‘time to market’, pas technologique. Toute la problématique a précisément été causée parce que l’on voulait éviter la recertification d’un nouveau modèle du 737. Nous avons voulu limiter l’énorme perte de temps due à la certification du logiciel avec notre logiciel automatisé et notre langage SOL. Ce logiciel SOL est un langage informatique qui permet d’exprimer des exigences de haut niveau de manière compréhensible pour l’ordinateur, mais qui pour l’humain se rapproche de la manière ‘normale’ d’écrire ces exigences en anglais. En quelques milliers de lignes SOL, vous exprimez des centaines voire des millions de lignes. Il est bon de signaler que l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) connaît notre méthode et l’approuve.

Le processus de création de logiciels certifiés selon la norme DO-178 est-il donc raccourci? 

Ce qui m’a frappé, après tant d’années dans le métier, c’est que dans l’aérospatiale comme dans l’aviation, on écrivait tout un système de logiciels en cascade, à partir d’un niveau d’exigences élevé. Puis, via un V inversé, il fallait tout vérifier. Avec les logiciels commerciaux, on est heureux que 70% du code soit testé, car certaines parties du code ne peuvent jamais se produire. Dans l’aéronautique, le 100% est une condition de base, et pour les niveaux de certification élevés, on approche les 400%. Vous pouvez vous imaginer le travail que cela représente. Une grande partie de ce travail est sous-traitée en Inde et dans d’autres pays. En moyenne, il faut deux ans pour obtenir la certification d’un logiciel de cockpit. La vérification du logiciel dure plus longtemps que son écriture. Chez nous, ce processus ne prend que quelques mois.

Quels sont vos autres marchés? 

Le marché que nous visons principalement est celui de l’UAM ou Urban Air Mobility, aussi appelés ‘taxis aériens’. Nous n’en sommes pas encore là, nous sommes en plein développement. A Singapour, vous avez le Volocopter, mais l’engin vole en étant encore fixé (à une corde) ou au-dessus de l’eau. Il s’agit en fait de dronesavec des personnes à bord, qui se déplacent à l’aide d’un GPS. Si quelqu’un sabote le GPS, vous avez un problème potentiel. Donc, voler selon un concept visuel revêt une grande valeur. Safety”, la sécurité, est un aspect qui est sérieusement appréhendé. En termes de business, cela se rapproche plus du secteur automobile que de l’aviation : des petits véhicules, mais nombreux. Vous en vendez beaucoup plus. En 2020, près d’un milliard d’euros ont été investis en capitaux frais sur le marché de la mobilité urbaine.

Vous travaillez aussi pour les fameux UAV's, unmanned aereal vehicles, les véritables drones. Est-un marché intéressant ? 

Nous avons réalisé le logiciel pour le cockpit de l’Hermes 900 UAV d’Elbit (le constructeur aéronautique israélien) pour un contrat en Suisse. En Suisse, vous volez dans l’espace de l’AESA et les UAV’s doivent dès lors satisfaire aux normes de sécurité d’un avion classique. Pour nous, ce fut une opportunité en or, car nous avons pu remplacer les systèmes centraux sur base de SOL.

SOL est-il la plus belle réalisation de (UN)MANNED?

Finalement, c’est ce qui nous rend unique, aucune autre entreprise ne fait de certification/d’automatisation comme nous le faisons et c’est aussi le seul produit approuvé par l’AESA permettant de le faire. Certains - gros - clients nous donnent des petits projets pour que l’on prouve ce dont on est capable (Filip Verhaeghe se réfère a notamment à Airbus et à la conception d’un système de verrouillage des portes pour l’A350) et parfois, des petits clients viennent avec des grands projets.

Ces projets nous permettent d’acquérir de l’expérience et de la reconnaissance en certification car nous devons à chaque fois nous adresser à l’AESA. Les petits clients nous procurent de l’efficience. Le marché de l’avionique s’élève à 80 milliards sur une base annuelle. Si on peut en picorer quelques graines, ce sera une bonne chose. 

www.unmanned.aero

 

L'auteur de cet article est Tom Dieusaert, un journaliste indépendant vivant en Amérique du Sud qui écrit sur l'aviation et l'automatisation, entre autres. En 2017, il a écrit le livre «Computer Crash» (Bitbook, Bruxelles) qui anticipait les crashs avec le Boeing 737MAX. Le livre a depuis été traduit en anglais, espagnol, italien et serbo-croate.

site unmanned

 

Inscrire newsletter

Streep FR
Streep FR
Streep FR

Partenaires de contenu

logoIMmetrand

INDUMOTION

InduMotion asbl est l’association belge des fabricants, importateurs et distributeurs de services et matériel …

En savoir plus ...

 

Partenaires

logopagina